dimanche 10 avril 2016

Catharsis

Dans l’Antiquité, le théâtre avait une vertu cathartique ; il permettait aux spectateurs de se libérer de leurs passions en regardant les drames qui se déroulaient devant eux. Luz a vécu un véritable cauchemar le 7 janvier 2015. Ces amis et collègues sont tombés sous les balles de deux terroristes. Afin de pouvoir continuer à dessiner, de reprendre goût à la vie, il entreprend ce travail qui montre ses angoisses, ses peurs et ses cauchemars. Les silhouettes des deux terroristes reviennent dans les planches, ainsi que le bruit de la cadence infernale des fusils d’assaut.
Il brosse des moments de vie avec sa compagne dont le soutien est indéfectible, des moments de solitude avec ses gardes du corps ou des passants, des moments de blues. Pourtant, l’humour est toujours là, corrosif parfois. Le caricaturiste, l’observateur n’est jamais loin. Son trait est incroyablement vivant et évocateur. Luz se trouve sous les projecteurs, il s’en serait bien passé. Il s’en tire parce qu’il est en retard, c’est le jour de son anniversaire, il traîne avec sa compagne. Il rend un bel hommage à ses camarades et décide de se tourner résolument vers la vie.
Catharsis, Luz, Futuropolis, 2015




Merci à PriceMinister de m'avoir fait découvrir ce titre !

mercredi 30 mars 2016

Pulp et peps

Tout commence par une victoire au tennis. Antoine remporte la finale face à Erik sous les yeux de leurs pères. Ces derniers semblent se connaître et ne pas s’apprécier. Cette journée d’été 1967 est le point de départ d’événements qui vont bouleverser son existence et sur lesquels il s’interroge vingt ans plus tard et qu’il relate dans un roman. Va-t-il enfin trouver les réponses aux questions qui le hantent ?
Thierry Smolderen, l’excellent scénariste de Ghost money, nous propose une intrigue haletante et diablement efficace avec un coté rétro assumé. Il fait référence à la bande dessinée de l’époque que ce soit le magazine Pilote ou les fumetti italiens. L’ombre de  Diabolik, sorte de Fantomas italien et personnage de bande dessinée célèbre, plâne sur l’album. De nombreux clins d’oeil y sont glissés comme le nom de la ville où se situe l’intrigue qui rappelle le lieu des aventures du malfrat.
Alexandre Clérisse de son côté s’est inspiré des années 60 qu’il restitue tant du point de vue des intérieurs ou des vêtements. Il propose des planches de toute beauté aux couleurs acidulées mêlant la culture populaire des pulps ou la sulfureuse Emmanuelle à des références artistiques et des artistes célèbres comme Warhol ou Mondrian. Sa mise en page est souvent audacieuse, proposant des représentations en 2D des intérieurs dans lesquels se déplacent les personnages.
Au final, un vrai bonheur tant sur les plans graphique que scénaristique si bien que j’ai très envie de découvrir leur première collaboration Souvenirs de l’empire de l’atome.
L'été Diabolik, Smolderen & Clerisse, Dargaud, 2016

jeudi 4 février 2016

Un amour fou

Georges a épousé une femme originale et extraordinaire. Tous les jours, il lui donne un nouveau prénom, tous les jours sont sous le signe de la fête et de l’exubérance. Ils dansent sous le regard émerveillé de leur fils et plus particulièrement sur la chanson Mr Bojangles interprétée par Nina Simons, leur chanson.
Etre le fils de tels parents est à la fois merveilleux et difficile. Entre un père qui est un fabulateur hors pair et une mère qui a sans cesse de nouvelles idées, l’humour et la joie de vivre sont au rendez-vous. Comment expliquer aux gens que l’animal de compagnie de la famille est un oiseau exotique appelé Mademoiselle Superfétatoire et que l’Ordure, le meilleur ami de Georges, est sénateur ?
Vous ne sortirez pas indemne de ce petit bijou de la rentrée d’hiver qui inséré dans un bel écrin aux phrases ciselées et d’une drôlerie incroyable. Vous ne pourrez que vous attacher à cette famille avec qui vous partagerez rires et peines. Une fois que vous aurez fini ce roman, cherchez le morceau et écoutez le en repensant à cette magnifique histoire d’amour.
En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, Finitude, 2016


dimanche 24 janvier 2016

Connaissez-vous le jeu de capateros ?

Pascal, professeur de lettres, part pour les grandes vacances d’été dans un petit coin perdu au fin fond de la vallée de Chantebrie. Dans ses bagages, des livres bien sûr, et une lycéenne Margaux, qui cherche à se planquer. Dans le hameau de Rambarane, ils n’ont qu’un seul voisin, Florin, un homme bien étrange. Suite à un accident survenu durant son enfance, Florin n’éprouve plus de sentiments. Dépourvu d’émotions, il perd peu à peu la mémoire à long terme qui associe les souvenirs aux moments heureux. Sur les conseils d’un neurologue, il va se mettre à collecter des cailloux sur les lieux où il a vécu un bon moment liant le toucher à la mémoire. Dans sa maison, il conserve des bocaux pour chaque année de sa vie et des trésors d’histoires et d’anecdotes.
Après la formidable Fractale des raviolis, Pierre Raufast revient avec un roman encore plus réussi. Centré autour de trois personnages, il tisse ses formidables histoires mêlant faits divers et fantaisie débridée. Ce livre plus apaisé, centré sur la mémoire, est aussi très poétique. Je me régale toujours autant avec cet auteur qui a un véritable talent de conteur et qu’il faut lire sans modération.
La variante chilienne, Pierre Raufast, Alma éditeur, 2015

Merci à PriceMinister pour cette nouvelle édition des Matchs de la Rentrée Littéraire !

#MRL15 #PriceMinister

vendredi 8 janvier 2016

Etta et Otto

Etta a décidé de partir de sa ferme pour rejoindre la mer avant que sa mémoire ne s'efface totalement. Son périple la mène à travers le Canada sauvage et ses grandes étendues ; elle y rencontre James qui devient son compagnon de route. Otto, quant à lui, est resté à la ferme, seul. Il échange avec Etta une correspondance sans réponse et attend son retour. Russel, lui, n'a pas eu cette patience, il a préféré partir sur les traces d'Etta.
La narration alterne entre Etta et Otto, ainsi que leur correspondance actuelle et passée. Tout le roman est construit ainsi en un aller-retour  permanent entre passé et présent. Cet va-et-vient est aussi celui de la mémoire et de l'absence, du départ et du retour de l'être aimé.
Ce roman est très poétique et extrêmement bien construit. Il y a une atmosphère étrange et intrigante qui s'en dégage.. Je me suis attachée à ces personnages et ces paysages, à cette ambiance si bien qu'une fois le roman terminé, des impressions et des images resurgissent. C'est vraiment un roman à découvrir !
Etta et Otto (Et Russel et James), Emma Hooper, Les Escales, 2015